L’amour au temps des carcans : Harold et Maude de Hal Ashby

L’amour au temps des carcans : Harold et Maude de Hal Ashby

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L’amour…

 

Cette notion aujourd’hui galvaudée, servie à toutes les sauces jusqu’à en perdre sa signification ; ce sentiment qui a bercé nos rêves d’adolescents à coups de clichés, et qu’on ne peut s’empêcher d’associer aux chansons et aux films d’époque.

 

Faten Hamama, Abdelhalim Hafez, Shadya, et autres Farid Al-Atrach, autant de personnages mythiques qui nous servaient des scénarios dont la trame ne cessait de se répéter au fil des ans ; « ELLE » l’aime, « IL » l’adore, leur amour est contrarié par tout ce que la société peut offrir comme entraves à la vie sentimentale des couples d’autrefois… mais l’amour l’emportait toujours, et ces films étaient souvent agrémentés par des fins heureuses, et des dénouements célébrés sous les confettis au rythme des chansons doucereuses du « Ândalib al asmar », ou du « prince Al-Atrach ».

 

Mais quand on entend Cat Stevens chanter « Don’t be shy », c’est un autre monde cinématographique qui nous revient en mémoire.

 

Hal Ashby, réalisateur de films cultes comme « Le propriétaire » ou « Bienvenu mister chance », nous offre à travers les personnages de son classique « Harold et Maude », une histoire d’amour hors du commun, une relation sulfureuse entre un jeune homme qui vient tout juste d’avoir vingt ans, et sa fiancée, qui elle, est sur le point de fêter ses quatre-vingts printemps.

 

Harold et Maude se rencontrent à des funérailles anonymes, cérémonies qu’ils aiment à « hanter » ensemble, ils tombent amoureux, et se marient à la veille de l’anniversaire de Maude.

 

Ce film bouscule encore aujourd’hui les carcans figés des relations amoureuses dites « classiques » !

 

D’aucuns soutiennent que ce n’est que lorsque nous surprenons les autres et nous-mêmes que nous nous sentons en vie, une affirmation qui s’impose comme le fil conducteur de cette comédie noire magistrale.

 

L’agent de police qui s’attend à ce que Maude se comporte comme une octogénaire typique, mais elle accélère, et lui donne un choc provoquant l’hilarité d’un public se découvrant complice de cette « mamie bonheur ».

 

La mère, l’oncle, le prêtre et les petites amies de Harold s’attendent à ce qu’il se comporte comme un adulte et se choisisse une compagne pour commencer une vie normale et respectable. Il répond en se « suicidant habilement en vain » 15 fois, sans que ces tentatives ne lui nuisent, mais au lieu de cela, causent une grande détresse à cet entourage dont il ne réclamait qu’intérêt et attention. Ces personnes qui n’arrivent pas à convaincre le jeune Harold que leur mode de vie lui convenait, et qu’il a fini par fuir pour chercher son bonheur dans des sensations aussi improbables que celles ressenties en assistant aux funérailles d’inconnus !

 

Un bonheur qu’il finira par trouver plus tard dans les bras d’une survivante de l’Holocauste de 79 ans… Maude ! Au crépuscule de ses années, elle croque la vie à pleines dents, la prenant du bon bout, consumant intensément chaque instant, en jouissant sans états d’âme, et faisant de son quotidien son terrain de jeux favori. Elle a saisi le secret de la vie et se fait un devoir de partager cette sagesse avec son jeune compagnon d’aventures.

 

Un film qui nous rappelle que l’amour c’est aussi deux âmes complices qui font fi des règles et des dogmes de la bien-pensance.

 

L’approche qu’ont les deux personnages à la vie sous l’œil attentif aux détails de la caméra de Hal Ashby fait de leur histoire d’amour "une allégorie libertaire de tous les couples en marge d’une société formatée par les carcans idéologiques et religieux".

 

"La réussite du film, c’est son parfait équilibre entre un humour macabre et une grande légèreté…"

Hal Ashby nous rappelle encore à travers Harold et Maude que la Vie ne se résume pas à une accumulation de biens, ni même de savoirs, mais à un parcours jalonné d’épreuves vécues à l’enseigne de l’amour, du partage, et de la tolérance.